Le temps qu’il nous reste à vivre

Vous êtes vous déjà posé la question du temps qu’il vous reste à vivre ?

Pour commencer, accordez-vous une dizaine de minutes pour regarder cette vidéo réalisé par Léo Grasset sur DirtyBiology* :

Et si votre vie tenait en une grille de 90 lignes ?

Visualiser le temps qui reste pour mieux vivre celui qui passe

Et si vous pouviez voir votre vie en semaines ?

C’est l’expérience que propose une vidéo de vulgarisation aussi poétique que méthodique. À partir d’un schéma aussi simple qu’efficace – 90 lignes de 52 cases, une par semaine – le vidéaste explore la perception du temps, la rareté des moments à partager, et ce que la psychologie cognitive nous apprend sur notre mémoire des durées. Résumé d’un plaidoyer visuel pour habiter pleinement le temps qui reste.

Une grille de vie : 52 semaines par an, 90 ans de vie

L’outil est aussi élémentaire qu’éloquent : une grille de 90 lignes et 52 colonnes représentant chaque semaine d’une vie. L’auteur y superpose son propre parcours – enfance, études, premiers projets professionnels, relations marquantes – et découvre que, à trente ans, plus du tiers des cases sont déjà remplies. Cette visualisation engage une prise de conscience immédiate : si chaque semaine est une case, combien en reste-t-il pour les expériences à venir ? Pour les rencontres importantes ? Pour simplement vivre autrement ?

L’âge moyen du public de la chaîne étant lui aussi situé autour de 30 ans, cette projection devient collective. En moyenne, ce spectateur-type dispose de 3 000 semaines encore à vivre. Une durée finie, saisissable, mais qui interroge.

Combien de moments reste-t-il à partager avec ses proches ?

La grille révèle une réalité parfois difficile à accepter : le temps que nous avons passé avec certaines personnes est probablement supérieur à celui qu’il nous reste à partager. C’est notamment le cas pour les parents, les grands-parents, ou même certains amis éloignés géographiquement.

Prenons un exemple : si l’on voit ses parents trois semaines par an, et qu’ils ont dépassé la soixantaine, il reste peut-être 600 jours à vivre avec eux, soit moins de 10 % du temps déjà écoulé ensemble. La situation est encore plus tranchée avec les anciens partenaires ou les amis d’enfance que l’on ne croise plus que rarement. Ces relations entrent alors dans ce que l’auteur nomme « les 10 % finaux ». Loin du pathos, la démarche vise à revaloriser chaque rencontre restante comme un moment rare et non renouvelable.

Une distinction essentielle : vivre ou se souvenir ?

La deuxième partie de la vidéo change de focale pour s’intéresser à la perception subjective du temps. Le psychologue Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie, a démontré que notre mémoire des événements n’est pas proportionnelle à leur durée réelle. Ce qui reste en mémoire, ce sont les instants-clés – et surtout la fin. Ainsi, une expérience désagréable mais qui se termine doucement peut laisser un souvenir plus acceptable qu’une version plus courte et brutale.

Kahneman identifie deux dimensions du « soi » :

  • Le soi expérientiel, qui vit les événements en temps réel,
  • Le soi mémoriel, qui les raconte et en tire les leçons.

Et c’est ce second soi, plus influent qu’on ne le pense, qui oriente nos futurs choix. La grille de la vie, dans cette optique, n’est plus linéaire : elle se déforme en fonction de l’intensité, de la nouveauté, de la charge émotionnelle des moments vécus.

Le temps vécu n’est pas uniforme

Notre cerveau, isolé dans la boîte crânienne, doit reconstruire le temps à partir de signaux internes et externes. Il synchronise, filtre, hiérarchise. Cette mécanique cognitive signifie deux choses : notre perception du présent est toujours légèrement décalée, et surtout, le temps ressenti est une construction. Ainsi, deux semaines objectivement équivalentes – l’une routinière, l’autre marquée par un voyage ou un événement intense – n’auront pas du tout le même poids rétrospectif.

La métaphore visuelle évolue alors : la grille de notre vie n’est pas faite de cases identiques. Elle est inégale, morcelée, plus dense ou plus fine selon les expériences accumulées.

Étirer la vie, subjectivement

La vidéo égrène alors une série d’exemples personnels : un accident sur un bateau, un souvenir d’enfance, un voyage en Amérique latine, une agression évitée de peu… Autant de moments perçus comme longs, intenses, inoubliables, car saturés d’informations sensorielles, émotionnelles, contextuelles. À l’inverse, des semaines répétitives, sans relief, semblent s’évaporer dans l’oubli.

Conclusion : pour dilater la sensation du temps, il faut vivre différemment. Apprendre quelque chose de nouveau, sortir de la routine, provoquer des rencontres, explorer, expérimenter. Il ne s’agit pas d’agir sans cesse ni de rendre chaque jour « productif », mais de multiplier les marqueurs mnésiques. Cela peut passer par des pratiques inhabituelles, ludiques ou absurdes : apprendre le chant diphonique, bricoler un instrument, voyager hors saison, écrire un roman inachevé.

Une grille subjective, un outil réflexif

Le schéma proposé ne vise pas une planification obsessionnelle du quotidien. Il fonctionne plutôt comme un mémento mori contemporain. À l’instar des généraux romains qui se faisaient rappeler leur mortalité au sommet de leur gloire, cette grille nous dit : le temps est limité, mais malléable. Il est possible d’en faire un espace plus dense, plus riche, plus conscient. Et cela vaut aussi bien pour nous que pour les autres : chacun vit avec sa propre grille, dont on ignore l’avancée exacte.

Une invitation à changer d’échelle

En somme, cette vidéo propose moins un outil qu’un changement de perspective. Voir sa vie en semaines, c’est prendre du recul sur ce qu’on en fait. C’est aussi accepter que l’on puisse ne pas tout contrôler, mais choisir où l’on met son attention. Et si l’on ne peut pas changer la longueur objective du temps, on peut en transformer la texture.

Le pire, selon l’auteur ? Ce serait peut-être d’avoir eu une vie marrante, mais de n’en avoir rien retenu. À l’inverse, multiplier les expériences nouvelles, même anodines ou ratées, revient à augmenter la densité du vécu.

À suivre ou à transmettre, cette idée simple mais forte résonne comme un appel à ralentir, à voir davantage, à vivre autrement. Sans urgence, mais avec lucidité.

La grille du temps qu’il nous reste à vivre


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